Je ne l'ai pas lu encore, mais ça semble une oeuvre à la structure très ambitieuse (plus de 700 pages).
Sur ma liste de lecture.
La maison vide, Laurent Mauvignier, Éditions de Minuit, 743 pages, 2025.
Je ne l'ai pas lu encore, mais ça semble une oeuvre à la structure très ambitieuse (plus de 700 pages).
Sur ma liste de lecture.
La maison vide, Laurent Mauvignier, Éditions de Minuit, 743 pages, 2025.
Prix Femina 2025. Un livre qui m'attend à la bibliothèque, une de mes prochaines lectures.
Dans un discours au rythme endiablé qui se poursuit pendant 150 pages, la narratrice commente et critique son mode de vie effrené, qui est aussi trop souvent le nôtre.
Chacune des sept parties du livre offre une logorrhée endiablée d'une seule et unique longue phrase qui s'étend sur une bonne dizaine de pages. L'écrivaine narratrice nous parle du rythme effrené de sa vie de femme et de mère qui l'empêchent d'écrire son roman. Son discours est parfaitement décousu, mais sa dénonciation des contraintes domestiques quotidiennes se révèle drôle et parfaitement jubilatoire.
À travers tout cela, j'ai apprécié les nombreuses références aux théories de la création littéraire. L'importance d'avoir une chambre à soi, la difficulté de trouver le temps pour écrire, les doutes à surmonter, la crainte de ne plus être capable d'écrire, l'incertitude de la pertinence de l'oeuvre à venir, l'impossibilité de faire reconnaitre son activité comme un véritable travail...
J'ai dévoré ce livre en moins de deux jours, avec beaucoup de plaisir.
Uashtenam - allumer quelque chose (2025) - Marie-Andrée Gill
Précieux sang (2025) - Marie-Hélène Voyer
Un petit livre qui se dévore en une soirée ou deux. Martine Desjardins démontre ici sa parfaite maîtrise des codes de la littérature fantastique et combine habilement le tout avec des éléments clés de notre folklore.
L'histoire se passe dans une région du Québec frontalière des États-Unis, où se trouve une érablière dont le sirop d'érable possède des vertus magiques. Guillaume, citadin exemplaire, se retrouve dans ce milieu rural dans lequel il ne se reconnait pas. Pourtant, une étrange transformation s'opère en lui au contact de son grand-père et de ses oncles. Et ce sirop, au goût si particulier, aux effets si étranges...
Le vocabulaire riche et précis rendent la plume de Desjardins agréable et somptueuse, les passages qui parlent des érables et de l'acériculture notamment, sont à la fois pertinents et instructifs.
C'est une autrice que je vous invite aussi à découvrir dans La chambre verte (2016) et Maleficium (2009), deux autres de ses romans tout aussi fantastiques que j'ai adorés. Et je réalise que son Méduse, paru en 2020, est passé sous mon radar ; il faudra que je corrige cet oubli éventuellement, c'est une autrice que j'ai chaque fois beaucoup de plaisir à lire.
Le temps des sucres - Martine Desjardins - Alto - 2025 - 145 pages
On comprend à la lecture que le récit tourne autour de la vie d'une handicapée, frappée par une maladie dégénérative, l'ataxie de Friedreich. Le narrateur, qui enseigne au collégial, a rencontré Audrey-Ann dans une de ses classes et s'est lié d'amitié avec elle. C'est le récit de cette amitié, basée sur l'entraide, la compassion et surtout la compréhension, qui nous est livrée dans ce roman.
Mais ce qui retient surtout l'attention, c'est la forme du récit, très postmoderne, ce qui est souvent le cas des ouvrages publiés au Quartanier. Le texte mélange les niveaux chronologiques. Les protagonistes enregistre leur lecture du récit initial, et les commentaires de cette lecture se superposent à ceux qui apparaissent déjà dans l'enregistrement, ce qui pourrait causer une certaine confusion chez le lecteur moins attentif. Cela est surtout visible dans les premières pages du livre, quand l'auteur essaie de rendre compte des hésitations dans l'élocution d'Audrey-Ann et de son incapacité parfois à bien comprendre ce qu'elle dit. Cela se traduit graphiquement par des ratures ou l'utilisation de certains symboles qui pourraient agacer certains lecteurs, puisque ce code ne sera expliqué que plus loin dans le livre. Mais ce procédé reste occasionnel dans le texte et ne gêne pas la lecture outre-mesure.
Le récit mélange aussi les genres. Si l'essentiel du livre relève du témoignage proche de l'autobiographie, des moments précieux de cette amitié sont racontés de façon très touchante, très humaine, il y a aussi une partie importante qui s'approche plus de l'essai. Le narrateur nous transmet les résultats de ses lectures théoriques et de sa réflexion sur la place que les handicapés occupent dans notre société et la vision que les "normaux" peuvent en avoir.
Cette réflexion sur l'inclusion, très fouillée, le livre comporte d'ailleurs en annexe une bibliographie de quelques pages, amène le lecteur à se questionner sur son propre rapport à ces personnes que l'on a trop souvent tendance à juger facilement ou à exclure. Certains passages m'ont paru peut-être trop appuyées, trop théoriques, j'ai trouvé que cela alourdissait parfois le rythme. Mais ces passages révèlent le désir profond du narrateur de comprendre la réalité de son amie et prouve le sérieux de son investissement dans sa quête.
Ce qui m'a surtout intéressé dans cette oeuvre, d'un point de vue très personnel, c'est toute cette réflexion sur la maladie et la dégénérescence des corps. Tous les corps sont condamnés à dépérir, et nous devrons tous vivre avec cette perte, plus ou moins lente selon les individus, de nos facultés. De ce point de vue, le roman illustre très bien les réactions et les interrogations auxquelles nous serons éventuellement confrontés.
C'est
toujours un plaisir pour moi de lire la plume de Mustapha Fahmi.
Ses
trois livres sont de petits bijoux de réflexion qui s'articulent autour de
pièces de l'oeuvre de Shakespeare,
dont l'intellectuel est un fin connaisseur. Ses livres sont toujours composés
de courts chapitres qui, aboutés les uns aux autres, finissent par tisser le
fil d'une réflexion savamment construite. Un découpage qui nous permet de
ralentir, de prendre des pauses fréquentes, pour bien réfléchir aux idées qui
sont exposées.
À travers les commentaires du professeur de l'UQAC
sur la pièce Antoine
et Cléopâtre, le propos dérive sur des thèmes comme l'authenticité, l'honneur,
l'éthique
ou la beauté. Malgré des références philosophiques et littéraires très pointues
(les
romantiques allemands et anglais, Davie
Hume, Nietzsche
et Kant
entre autres), le propos reste facilement accessible et le texte nous guide
habilement dans l'élaboration de la pensée de l'auteur.
En plus d'un condensé de l'histoire
romaine, notamment le conflit qui oppose Marc-Antoine
et Octave, le fils de César,
des références culturelles variées et bien dosées (Boticelli,
Titien,
Zaha
Hadid, Frank
Gehry, Miles
Davis, Beethoven,
Wittgenstein...)
appuient habilement la démonstration et on sort de notre lecture avec
l'impression d'être un peu plus allumé, sinon un peu plus intelligent.
Un bijou de petit livre, que j'aurai plaisir à revenir feuilleter de temps à
autre, pour y puiser quelques phrases au hasard avec plaisir comme celle ci-dessous.
Les deux précédents livres de Fahmi, La leçon de Rosalinde (2018) et La promesse de Juliette (2021), parus aussi chez La peuplade, m'avaient aussi beaucoup plu.
L'histoire d'Odette est touchante. On assiste, en l'espace de quatre saisons, à l'évolution des troubles visuels dont souffre la jeune libraire. Le récit simple présente habilement les effets de la progression physique et psychologique de la cécité, réalité dont on entend peu souvent parler.
Le traitement se révèle aussi profondément original. Les dessins sont clairs et précis et rappellent un peu le style des mangas. Le découpage et le cadrage sont variés, l'autrice maîtrise bien les différentes techniques (gros plan, champ-contre-champ) pour rendre plus dynamique son récit. L'oeuvre, imprimée en noir et blanc, exploite bien les dégradés et les jeux d'ombre et de lumière. Tout cela crée une impression d'intimité qui nous rapproche du drame vécu par le personnage principal et illustre bien toute la gamme d'émotions qu'elle traverse.
Et cette fameuse méduse, cette tache noire qui pollue chaque case et se multiplie au fil des planches... cette présence envahissante nous permet de bien saisir l'intensité et la persistance du problème qui affecte l'humeur d'Odette et va changer sa vie.
Vraiment, une superbe lecture.
Avec ses superbes dessins crayonnés, cette BD mérite toute l'attention qu'on lui a accordée (prix des libraires 2020). Le jeu d'ombres rend vraiment bien toute l'intensité du drame qui se joue dans la vie de la jeune narratrice du récit.
Les commentaires désobligeants du père sur l'apparence physique de la jeune fille, "grosse torche", "grosse truie", accentuent sa dysphorie corporelle. Nous assistons à toute la détresse psychologique qui découle de ces commentaires. Malgré le sujet qui pourrait être lourd, la BD reste agréable à lire, car il y a aussi de beaux moments de bonheur qui viennent contrebalancer l'ensemble. Et tous ces sentiments sont admirablement rendus dans la multiplication des gros plans du visage de la narratrice.
Le découpage du scénario est parfois lent, mais ce n'est pas un défaut, loin de là. En prenant le temps de s'attarder aux détails, les cases donnent une profonde impression d'intimité et procurent au récit une certaine douceur poétique.
C'est un roman graphique très réussi, qu'on prend le temps de découvrir avec lenteur.
Je regrette une seule chose, l'exemplaire que j'ai lue comportait des problèmes de surimpression qui nuisaient à la lecture. Si vous achetez la BD, vérifiez les pages 81, 85 et 86, pour vous assurez de ne pas avoir le même problème.
Sinon, c'est une BD qui mérite vraiment de figurer dans toute bonne bibliothèque.
La grosse laide - Marie-Noëlle Hébert - XYZ - 2019 - 104 pagesC'est la prémisse étrange du livre qui m'a d'abord attiré. Victor Zolotarev, un écrivain raté, héberge dans son petit appartement de Kiev un pingouin qu'il a adopté, on ne sait trop pourquoi, du zoo local. Pour gagner sa vie, Zolotarev accepte un contrat suprenant d'un journal, on lui demande d'écrire la notice nécrologique de personnes encore vivantes selon des indications précises. La publication de ces "petites croix", comme il les appelle, aura des impacts étonnants.
Les situations absurdes s'accumulent ainsi pendant tout le récit, sans que le personnage s'en étonne pour autant. On lui a dit de ne pas poser de questions, on le paie très bien pour son travail, il se contente alors de répondre aux exigences de son patron sans plus.
Les situations sont cocasses et étonnantes, on aurait pu s'attendre à un récit plus échevelé, plus humoristique, mais finalement la vie de Zolotarov, malgré tous ses rebondissements, se révèle plutôt routinière. Le personnage éprouve peu de sentiments et reste détaché de sa propre vie, ce qui relève évidemment aussi de la construction absurde du livre.
Le roman se lit bien, les chapitres sont courts et l'efficacité du récit reposant notamment sur l'accumulation d'événements bizarres font sourire et nous entraine à poursuivre toujours plus loin notre lecture. Et à la fin, dans un dénouement très bien ficelé, on nous dévoile (même si on l'avait un peu deviné auparavant) toutes les coulisses derrière la publication des "petites croix".
Peut-être pas une lecture aussi légère qu'anticipée, mais une lecture qui reste agréable et divertissante.
Le pingouin, Andreï Kourkov, Liana Levi éditeur, 273 pages, parution originale 1996.
Les deux premières œuvres de Claude Simon
enfin rééditées aux Éditions de Minuit !
Comme j’ai fait mon mémoire de maîtrise sur son roman « L’acacia », j’ai déjà lu l’intégralité de son œuvre (dont j’ai acheté les deux tomes de La Pléiade), il me restait à lire ces deux romans que je me suis procuré aujourd’hui.
Claude Simon (1913-2005), auteur français souvent associé au Nouveau roman, a remporté le Prix Nobel de littérature en 1985. Son roman le plus connu est La route des Flandres (1960), mais si vous voulez plonger dans son oeuvre, je ne vous conseille pas de commencer par ce livre, essayez plutôt Histoire (1967), Les Géorgiques (1981) ou L'acacia (1989) qui sont plus "accessibles".
L'écriture de Simon, réputée assez difficile, faite de longues phrases comprenant parfois de longues parenthèses qui s'étirent sur plusieurs pages, demande une certaine concentration, mais après quelques pages, on s'habitue au rythme.
Simon est un témoin privilégié du XXe
siècle : son père est disparu pendant la Première Guerre mondiale, il a
participé aux troubles en Espagne dans les années 30 et il était dans la
cavalerie française pendant la Seconde Guerre mondiale.
Le roman raconte, comme souvent chez Oates, un drame qui va bouleverser la dynamique relationnelle d'une famille apparemment parfaite de l'état de New-York après un événement tragique survenu pendant la nuit de la Saint-Valentin 1976.
C'est une vaste fresque de l'Amérique profonde, qui s'étire sur plus de vingt ans, qui nous permet de suivre l'évolution de chaque membre de cette famille tourmentée.
Un roman terriblement d'actualité, en cette ère Metoo, qui encourage les femmes à dénoncer leurs agresseurs.
Des entretiens avec de grands créateurs, ça m'intéresse toujours. Et Lise Gauvin est au Québec une référence incontournable en la matière.
Ici, on retrouve notamment de longs entretiens avec quelques géants de notre littérature, Gaston Miron, Marie-Claire Blais et Anne Hébert... un ouvrage essentiel pour ceux et celles qui s'intéressent aux arcanes de la création et à la figure du créateur.