Les oeuves finalistes pour les prix des libraires sont enfin dévoilées !
Plusieurs belles découvertes en perspective.
Les oeuves finalistes pour les prix des libraires sont enfin dévoilées !
Plusieurs belles découvertes en perspective.
Dédé (2023) - Christian Quesnel - Libre expression - 120 pages
Au début du livre, une carte géographique
des lieux fictifs et une ligne temporelle annoncent la profonde originalité de
l’univers du roman ainsi que sa cohérence. Certains lecteurs pourraient être au
premier abord désemparés par cette plongée dans l’inconnu, mais il faut
accepter de se laisser guider par le récit, comme on se laisse porter par les
vagues de la mer. Et on finit par comprendre, reconnaître et s’habituer aux
références du texte.
Si on annonce dès le début que le récit
vise à reconstituer la vie de Danaé Poussin, c’est tout le fonctionnement de la
société yssoise de cette époque (fin du XVIIIe siècle ?) qui est finalement
décrite. Car les personnages s’accumulent tout au long du livre, dans une
galerie riche et impressionnante qui révèle toutes les tensions qui existent
entre les habitants privilégiés, qui vivent à l’abri derrière les murs de la
cité, et les autres, qui doivent survivre sur les rivages inhospitaliers de
l’île.
La maîtrise du métalangage maritime de
Scali est hallucinante. Les descriptions des navires, des manœuvres maritimes
et de la mer reflètent un travail de recherche colossal et une connaissance
pointue du sujet abordé par l’autrice. Si j’ai souligné souvent des termes dont
la signification m’échappait (tillac, lamanage, caboteur, tourmentin, foc,
lof…), il ne faut pas voir ce vocabulaire comme un obstacle à la lecture, mais
comme un élément essentiel au décor. La mer est un des sujets principaux du
roman, on en découvre toute la beauté, mais aussi toute la fureur. La mer donne
beaucoup aux pêcheurs, mais elle prend souvent aussi aux familles vulnérables.
Le premier opus de Scali, À la recherche
de New Babylon (2015), un roman-western, mérite lui aussi le détour si vous ne
l’avez pas déjà lu. Et c’est certainement une autrice que je suivrai dans les
prochaines années.
Les marins ne savent pas nager (2022) – Dominique Scali - La Peuplade - 708 pages
Le livre est aussi disponible en deux tomes, chez Folio
Ce roman, à travers la vie de l’anthropologue Nathan Rosenthal, nous propose un
merveilleux voyage en Haïti.
Les aventures de ce personnage sont
d’ailleurs à l’image de l’histoire de ce pays, chaleureuses, excentriques et
tumultueuses. Fils d’un musicien new-yorkais d’origine juive et d’une mère
d’origine haïtienne, Nathan s’installe sur la perle des Antilles pour ses
recherches universitaires et n’en repartira plus qu’épisodiquement. Le roman
raconte les différentes vies de Nathan, surtout axée autour des femmes qui
l’ont toutes aidé à rendre sa vie plus agréable, plus supportable, sa mère, sa
fille, ses conjointes…
Vieillard aigri et alcoolique, le personnage aurait pu n’être qu’une caricature
de personnages rencontrés cent fois ailleurs, mais non. Au fil des pages, la
narratrice dévoile l’humanité et la fragilité de cet homme qui souffre avec le
peuple qu’il a appris à connaitre et qui l’a adopté. Ce peuple qu’il a essayé
d’aider du mieux qu’il le pouvait toute sa vie, sans jamais y parvenir
suffisamment à son goût.
Cette humanité, elle parait aussi chez
tous les autres personnages du récit, présentés avec empathie et tendresse dans
toute leur imperfection. On sent là chez l’autrice un profond amour des autres,
un désir sincère d’aller vers elles et eux pour les écouter.
Le récit fragmenté, habilement construit et parsemé de références qui se
croisent entre les différentes parties, dévoile les péripéties du personnage,
mais raconte aussi l’histoire de ce jeune pays. Et ce tableau se construit par
fines touches subtiles, avec des références historiques qui servent le récit
(l’indépendance, l’esclavagisme, le régime Duvalier, les tontons macoutes, le
goudougoudou de 2010…), plutôt que de l’alourdir. Les passages en créole et les
allusions au vaudou accentuent aussi ce portrait, sans jamais tomber dans
l’exotisme gratuit et racoleur. Tout est fait avec délicatesse et sensibilité.
Pour un premier roman, c’est une réussite.
P.S. : On pourra me reprocher de ne pas être objectif ici, puisque l'ouvrage
est publié par la maison d'édition qui me publie aussi, mais je ne m'en cache
pas.
Nathan (2023) – Marie-Eve Nadeau - Éditions Mains libres - 218 pages
Ce roman, bien qu'il soit publié dans une
collection consacrée aux polars, s'apparente plutôt à une parodie du genre qu'à
un véritable récit policier.
Et cela, pour notre plus grand plaisir,
car l'histoire est drôle et le caractère du personnage principal savoureux.
Dans un rang éloigné, en plein cœur de la
forêt, Jacqueline, une retraitée de Radio-Canada, écoule ses vieux jours dans
le calme de sa maison.
Le jour où elle apprend que sa voisine
Madeleine est malade et qu'elle envisage de vendre, Jacqueline devient obsédée
par la perspective de devoir accueillir de nouveaux voisins. Prête à tout pour
conserver "sa sainte paix", elle manigance afin d'éviter cette
catastrophe. Et là, évidemment, tout dérape.
Malgré la planification maniaque de
Jacqueline, rien ne se passe comme prévu. Le policier désœuvré du coin
s'intéresse un peu trop à l'affaire, une agente de la faune à la recherche de
braconniers intervient et Albin, l'homme de main de Madeleine, révèle peu à peu
sa véritable nature.
Certaines coïncidences un peu trop
exagérées pourraient agacer quelques amateurs de polar, mais il s'agit là selon
nous d'un procédé qui accentue le caractère humoristique de l'histoire, car
oui, c'est un roman très drôle.
Il s'agit d'une lecture parfaite pour se
divertir, un roman que vous lirez en quelques heures à peine. Un choix parfait
pour les vacances qui s'en viennent. #heliotrope #littqc #littératurequébécoise
#romanqc #littérature
La sainte paix (2023) - André Marois - Héliotrope - 208 pages
L'autrice a déjà prouvé dans le passé qu'elle maîtrise parfaitement bien le récit bref, avec son recueil « La mort de Mignonne et autres histoires »(2005), mais avec ce nouvel opus, elle se surpasse. C'est un recueil intelligemment construit, avec plusieurs échos entre les nouvelles dans lesquelles on voit évoluer les personnages. Par cet aspect, le livre fait penser au recueil « La héronnière » (2003), dans lequel Lise Tremblay utilisait à peu près le même procédé. Comme souvent chez Poitras, dans une langue riche et poétique, les chevaux sont à l'honneur et la relation entre la bête et la cavalière toujours aussi sensuelle. Mais l'humain et sa relation avec les autres prend aussi beaucoup de place. Et c'est dans cette oeuvre que Poitras la femme se dévoile le plus, je trouve. On sent que la frontière entre le personnage et l'écrivaine est parfois très mince, et cela donne une touche intimiste à l'ensemble. Comme si Poitras nous révélait quelques étapes importantes de son parcours des dernières années et, avec encore une certaine pudeur, une partie de sa vie personnelle. Le recueil se clôt d'ailleurs sur un texte qui relève plus de l'essai que de la nouvelle, texte qui dévoile quelques aspects plus personnels sur la place que prend l'écriture dans la vie de la créatrice. Un recueil que je vous recommande chaudement, d'autant plus qu'il vient de remporter le prestigieux prix du Gouverneur général dans la catégorie genre narratif.
Galumpf (2023) - Marie Hélène Poitras - Alto - 200 pages
Trois adolescents de Rivière-Brûlée,
Judith, Abigail et Alexandre, s'enfoncent dans la forêt pour vivre quelques
nuits de liberté. Mais un homme se cache dans le bois et s'amuse à les chasser,
et tout dérape. Comme d'habitude chez Michaud, la forêt est le lieu des mille
dangers et le roman se déploie, à mi-chemin entre le thriller et l'horreur.
On assiste à la terreur des jeunes, à
l'inquiétude des parents, à la folie du tueur et au découragement des
policiers. Michaud maitrise encore ici avec brio l'art du suspense et de la
tension, dans un style lent et riche qui créé une atmosphère inquiétante.
Si vous ne connaissez pas encore cette auteure et que vous aimez le suspense et
la littérature, vous ne serez pas déçu.
#quebecamerique #littqc #littérature
Proies (2022)
- Andrée A. Michaud - Québec Amérique