28 juillet 2025

La grosse laide - Marie-Noëlle Hébert

Avec ses superbes dessins crayonnés, cette BD mérite toute l'attention qu'on lui a accordée (prix des libraires 2020). Le jeu d'ombres rend vraiment bien toute l'intensité du drame qui se joue dans la vie de la jeune narratrice du récit.

Les commentaires désobligeants du père sur l'apparence physique de la jeune fille, "grosse torche", "grosse truie", accentuent sa dysphorie corporelle. Nous assistons à toute la détresse psychologique qui découle de ces commentaires. Malgré le sujet qui pourrait être lourd, la BD reste agréable à lire, car il y a aussi de beaux moments de bonheur qui viennent contrebalancer l'ensemble. Et tous ces sentiments sont admirablement rendus dans la multiplication des gros plans du visage de la narratrice.



Le découpage du scénario est parfois lent, mais ce n'est pas un défaut, loin de là. En prenant le temps de s'attarder aux détails, les cases donnent une profonde impression d'intimité et procurent au récit une certaine douceur poétique. 

C'est un roman graphique très réussi, qu'on prend le temps de découvrir avec lenteur.

Je regrette une seule chose, l'exemplaire que j'ai lue comportait des problèmes de surimpression qui nuisaient à la lecture. Si vous achetez la BD, vérifiez les pages 81, 85 et 86, pour vous assurez de ne pas avoir le même problème.



Sinon, c'est une BD qui mérite vraiment de figurer dans toute bonne bibliothèque.

La grosse laide - Marie-Noëlle Hébert - XYZ - 2019 - 104 pages
 

15 juillet 2025

Le pingouin - Andreï Kourkov


Premier roman d'Andreï Kourkov, écrivain ukrainien de langue russe, qui connut dès sa publication un succès international. C'est aujourd'hui un auteur très populaire qui a notamment remporté le prix Médicis étranger en 2022 avec Les abeilles grises, dont la trame s'insipire en partie du conflit opposant la Russie et l'Ukraine.

C'est la prémisse étrange du livre qui m'a d'abord attiré. Victor Zolotarev, un écrivain raté, héberge dans son petit appartement de Kiev un pingouin qu'il a adopté, on ne sait trop pourquoi, du zoo local. Pour gagner sa vie, Zolotarev accepte un contrat suprenant d'un journal, on lui demande d'écrire la notice nécrologique de personnes encore vivantes selon des indications précises. La publication de ces "petites croix", comme il les appelle, aura des impacts étonnants.

Les situations absurdes s'accumulent ainsi pendant tout le récit, sans que le personnage s'en étonne pour autant. On lui a dit de ne pas poser de questions, on le paie très bien pour son travail, il se contente alors de répondre aux exigences de son patron sans plus. 

Les situations sont cocasses et étonnantes, on aurait pu s'attendre à un récit plus échevelé, plus humoristique, mais finalement la vie de Zolotarov, malgré tous ses rebondissements, se révèle plutôt routinière. Le personnage éprouve peu de sentiments et reste détaché de sa propre vie, ce qui relève évidemment aussi de la construction absurde du livre. 

Le roman se lit bien, les chapitres sont courts et l'efficacité du récit reposant notamment sur l'accumulation d'événements bizarres font sourire et nous entraine à poursuivre toujours plus loin notre lecture. Et à la fin, dans un dénouement très bien ficelé, on nous dévoile (même si on l'avait un peu deviné auparavant) toutes les coulisses derrière la publication des "petites croix".

Peut-être pas une lecture aussi légère qu'anticipée, mais une lecture qui reste agréable et divertissante.

Le pingouin, Andreï Kourkov, Liana Levi éditeur, 273 pages, parution originale 1996.







10 juillet 2025

Nouvelle acquisition


Les deux premières œuvres de Claude Simon enfin rééditées aux Éditions de Minuit !

Comme j’ai fait mon mémoire de maîtrise sur son roman « L’acacia », j’ai déjà lu l’intégralité de son œuvre (dont j’ai acheté les deux tomes de La Pléiade), il me restait à lire ces deux romans que je me suis procuré aujourd’hui.

Claude Simon (1913-2005), auteur français souvent associé au Nouveau roman, a remporté le Prix Nobel de littérature en 1985. Son roman le plus connu est La route des Flandres (1960), mais si vous voulez plonger dans son oeuvre, je ne vous conseille pas de commencer par ce livre, essayez plutôt Histoire (1967), Les Géorgiques (1981) ou L'acacia (1989) qui sont plus "accessibles".

L'écriture de Simon, réputée assez difficile, faite de longues phrases comprenant parfois de longues parenthèses qui s'étirent sur plusieurs pages, demande une certaine concentration, mais après quelques pages, on s'habitue au rythme.

Simon est un témoin privilégié du XXe siècle : son père est disparu pendant la Première Guerre mondiale, il a participé aux troubles en Espagne dans les années 30 et il était dans la cavalerie française pendant la Seconde Guerre mondiale.

 

Le tricheur et La corde raide


9 juillet 2025

La cité oblique - lecture en cours

Roman graphique qui associe l'univers fantastique de l'écrivain américain Howard Phillips Lovecraft (1890-1937) à l'histoire hallucinée de la ville de Québec.

Les illustrations, comme toujours avec Christian Quesnel, sont superbes, dans un style très expressionniste et personnel, et reprennent très bien les éléments de la mythologie de Lovecraft. Si vous ne connaissez pas encore le travail de Quesnel, je vous invite à découvrir ces autres ouvrages (Lac-Mégantic, Dédé ou encore Dracula) tout aussi excellents.

Je connais moins la scénariste, Ariane Gélinas, mais c'est une plume reconnue et bien établie dans le milieu de la SF québécoise. Elle a notamment publié plusieus romans chez l'éditeur Alire, spécialisé dans la littérature dite "de genre" (policier, fantastique, science-fiction) en plus d'être très active dans des revues comme Solaris. Son travail d'intégration des éléments de l'univers de Lovecraft à l'histoire du Québec est aussi remarquable, et on constate que l'autrice maitrise parfaitement bien son sujet.


La cité oblique, Chritian Quesnel et Ariane Gélinas, Alto, 168 pages.